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Jean-Luc Nancy: Quatre
Quatre photographies.
Quatre éléments ? Quatre points cardinaux ? Quatre saisons ? Tout cela, bien entendu. Vous reconnaissez sans peine chacune de ces attributions, chacune de ces façons de répartir en carré ou en croix l’ordonnance du monde.
Ainsi pourriez-vous dire, de gauche à droite, eau, air, feu, terre. Ou bien, de droite à gauche, automne, été, printemps, hiver. Ou bien de nouveau de gauche à droite : Ouest, Nord, Sud, Est.
Et comme de juste vous pouvez modifier les désignations. Vous pouvez aussi tenter d’assigner leur place aux quatre cavaliers de l’Apocalypse – le noir, le blanc, le rouge, le verdâtre - ou bien aux quatre animaux de la puissance indienne – l’ours, l’aigle, le bison, la souris – sans parler des autres quatuors de l’Apocalypse – les quatre animaux, les quatre vents, les quatre messagers... Ou bien vous songez au Geviert de Heidegger.
Mais il est plus juste encore de se dérober à ces tentations. Et d’abord de suivre le rythme que Joachim Richter donne à ces photos : de format identique (un rectangle de 250 sur 140 mm) elles se présentent alternativement à l’horizontale et à la verticale. On pourrait penser à une scansion prosodique : une longue/ une brève/ une longue/ une brève.
Ce rythme est lié aux couleurs qui sont elles-mêmes liées aux matières.
Longue trame comme de lais en bandes ajointées d’un camaïeu de tons éteints, bleu sombre, vert-de-gris, beige à peine discernables dans leurs formes comme dans leurs teintes.
Brève ascension ou jet de ciel en traînées vives, emportement de vent, élan d’un ange que l’azur réclame.
Long brasier crépitant et furieux dont on ne peut nommer la teinte autrement que dans sa brûlure, dans le contraste violent, le ronflement qui sort des bruns-rouges pour partir dans le jaune porté au blanc.
Bref suspens d’une masse minérale de jaspe et d’améthyste, veine ouverte au sein d’une cristallisation ou d’une fusion depuis longtemps coagulée en un joyau fossile.
Aucun temps de cette cadence ne reste arrêté sur un nom, sur un concept ni même sur une image. Cela se passe avant le langage, avant la pensée, avant le regard même. Cela se passe là, devant nous, mais un devant qui est déjà en nous. Qui était déjà là. En nous mais avant nous. Hors de nous. C’est le réel, c’est l’effectivité primordiale.
Ce n’est pourtant pas l’origine. Ce n’est pas le commencement, c’est simultanément le début et la fin, le réel inaugural et terminal. Tout est là, rien n’est plus là. Tout apparaît, tout disparaît.
Cela s’étale puis s’élève, cela s’élève puis retombe. Cela scande et cela chante sans paroles. Quadruple scansion dont il est manifeste qu’elle se poursuit sans fin en elle-même hors d’elle-même. Quatre est ce qu’il est impossible d’arrêter, ce qui recommence et qui se relance. Qui ne revient jamais à soi.
Photographies : écritures lumineuses du réel obscur.
Jean-Luc Nancy
Jean-Luc Nancy: Vier
Vier Fotografien.
Vier Elemente ? Vier Himmelsrichtungen ? Vier Jahreszeiten ? All dies, wohlverstanden. Mühelos lässt sich jede dieser Zuweisungen wiedererkennen, jede dieser Formgestalten, die im Viereck oder über Kreuz die Ordnung der Welt aufteilen.
So ließe sich sagen, von links nach rechts, Wasser, Luft, Feuer, Erde. Oder auch, von rechts nach links, Herbst, Sommer, Frühling, Winter. Oder auch, aufs Neue von links nach rechts: Westen, Norden, Süden, Osten.
Und selbstverständlich lassen sich die Bezeichnungen modifizieren. Daher kann man versuchen, deren Platz den vier apokalytischen Reitern zuzuordnen – dem schwarzen, dem weißen, dem roten, dem grünlichen – oder auch den vier Tieren der indianischen Mächte – dem Bären, dem Adler, dem Bison, der Maus – abgesehen von den anderen Vierheiten der Apokalypse – den vier Tieren, den vier Winden, den vier Boten… Oder es lässt sich auch an Heideggers Geviert denken.
Jedoch ist es angemessener, sich diesen Verlockungen zu entziehen. Und zunächst dem Rhythmus zu folgen, den Joachim Richter seinen Fotos gibt: Von gleichem Format (ein Rechteck von 250 x 140 mm) erscheinen sie wechselnd in der Horizontalen und in der Vertikalen. Man könnte an eine prosodische Skandierung denken: eine lange/ eine kurze/ eine lange/ eine kurze.
Dieser Rhythmus ist an die Farben gebunden, die ihrerseits an die Materialien gebunden sind.
Langgestrecktes Muster wie das einer mittelalterlichen Gedichtform*, in Streifen zusammengefügt zu einem in sich gemusterten Stein mit verblichenen Farbtönen, dunklem Blau, Grünspan, Beige, kaum erkennbar in ihren Formen wie in ihren Tönungen.
Kurzer Aufgang oder Strahl des Himmels in lebhaften Streifen, Heftigkeit des Windes, Schwung eines Engels, vom Azur erfordert. Lange anhaltende, knisternde und heftige Glut, deren Tönung nicht anders benannt werden kann als über ihr Versengen, über den gewaltigen Kontrast, das Dröhnen, das aus dem Braun-Roten hervorgeht und sich zum Weiß neigenden Gelb verflüchtigt.
Kurze Schwebe einer mineralischen Masse von Jaspis und Amethyst, eine Ader, dem Schoß einer Kristallisation oder Fusion geöffnet, seit langer Zeit geronnen in einem fossilen Juwel.
Kein Zeitabschnitt dieser Kadenz bleibt angehalten, weder über einen Namen noch über ein Konzept, nicht einmal über ein Bild. Dies ereignet sich vor der Sprache, vor dem Gedanken, selbst vor dem Blick. Dies ereignet sich dort, vor uns: jedoch ein Vor, das bereits in uns ist. Das bereits da war. In uns, aber vor uns. Außerhalb von uns. Das ist das Reale, das ist die ursprüngliche Wirksamkeit.
Dennoch ist es nicht der Ursprung. Es ist nicht der Anfang, es ist gleichzeitig der Beginn und das Ende, das eröffnende und beendende Reale. Alles ist da, nichts ist mehr da. Alles erscheint, alles entschwindet.
Es entfaltet sich, erhebt sich dann, es erhebt sich, sinkt dann wieder zurück. Es skandiert und es singt ohne Worte. Vierfache Skandierung, bei der offensichtlich ist, dass sie endlos innerhalb ihrer selbst und außerhalb ihrer selbst ihren Gang geht. Vier ist das, was unmöglich anzuhalten ist, das, was wieder beginnt und was sich wieder zurückwirft. Was niemals zu sich zurückkehrt.
Fotografien: leuchtende Schriften des verborgenen Realen.
* „comme de lais“ (lai: ein mittelalterlicher Gedicht- bzw. Liedtypus mit variabler Strophenform und in der Regel achtsilbigen Versen)
Jean-Luc Nancy